La force internationale de la Suisse dépend de celle de Genève
Editorial de Carlo Sommaruga, Conseiller aux Etats
Décembre 2024
Économiser. L’exercice n’est jamais heureux, mais la lecture du plan d’économies que le Conseil fédéral s’apprête à mettre en œuvre pour 2027 donne le sentiment d’une coupe linéaire, dont Genève en fait l’amère expérience. En découvrant que Berne veut diminuer drastiquement la subvention du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (MICR), c’est l’existence-même de l’institution qui est mise en danger.
Ce n’est pas que du sort de ce musée peu classique, tant il symbolise la défense des droits humains, dont il est question ici. Le Musée s’intègre dans un écosystème dont font partie l’ONU, ses multiples agences et les nombreuses organisations internationales. Il en est le centre de réflexion et de mémoire, le lieu choisi de la transmission des valeurs humanitaires. Et son directeur a su en faire un musée vivant, en prise avec l’actualité et les enjeux contemporains.
La décision du Conseil fédéral trouble car, dans le même temps, il annonce aussi vouloir suspendre les dépenses en matière de coopération internationale, et encore, supprimer le financement de la Brigade de sécurité diplomatique. Autant de mesures qui étonnent, et fâchent. La Suisse ne se devrait-elle pas de défendre et de promouvoir le rôle international de Genève au moment où l’on assiste au retour de la politique de puissance, à la remise en cause du multilatéralisme, et qu’à New York, un Conseil de sécurité bloqué désespère ? Il y a décidément place pour un « moment Genève ».
Il serait faux et hasardeux de croire que les coupes envisagées ne feraient qu’effleurer la puissante place internationale, siège du deuxième centre le plus important des Nations Unies. Le signal donné serait interprété à l’étranger comme un début de désintérêt. Cet écosystème n’est pas installé naturellement au bout du lac à jamais, fort de la seule tradition, misant sur des habitudes éprouvées. Rien n’est jamais acquis. Il exige de l’attention, du financement, l’intérêt bien compris de tous les acteurs de la scène internationale. Défendre la Genève internationale, c’est défendre le rôle de la Suisse et son outil de « soft power » le plus précieux.